Dans la société arabe, la poésie occupe une place de choix.
Au Yémen, l’on pense que les ancêtres himyarites, les anciens, ne parlaient qu’en poésie. Le verbe était enchanté dès l’origine.
En 2009, Francine Vidal obtient une Villa Médicis Hors les Murs pour faire une recherche sur les joutes poétiques féminines en langue arabe, et va voyager pour cela plusieurs mois en Tunisie.
Cette recherche va nourrir son travail et pour une commande de Lieux Publics à Marseille en 2010, les Beaux Parleurs, coproduit par l’Abattoir de Chalon-sur-Saône, et pour Café Ulysse quelques années plus tard.
La joute oratoire, poétique et musicale est une tradition anté-islamique, comme par exemple le Zajla, De Zajila qui veut dire chanter, fredonner, élever la voix, parler haut, jouer, s’amuser, et de Zajalon : qui désigne la poésie dialectale populaire mais aussi le jeu, la joie bruyante, le bruit, le vacarme.
C’est aussi un moyen de contestation traditionnel.
Et c’est précisément ce chemin qu’on choisit les femmes arabes aujourd’hui pour s’exprimer.
Derrière leurs voiles et nos idées reçues, elles développent un mouvement d’émancipation, dans lequel la poésie est une voie privilégiée, car justement déjà connu et accepté par la société. Ce que ces femmes expriment avant tout par leurs vers, c’est un ancrage dans leur époque. Elles ne se conforment pas à des modèles traditionnels ou occidentaux du rôle de la femme mais inventent leur devenir, ce qui représente une attitude très moderne. Elles veulent être en même temps des mères, des amantes, des poétesses mais elle ne sont pas pour autant engagées collectivement dans une lutte pour la défense des femmes comme en Occident.
Leurs poèmes mêlent des influences culturelles très diverses, parlent de la société, de politique, de sexualité avec beaucoup d’audace et de sens critique.
Elles manient aussi à merveille les armes du rire, de l’humour, recourent au monologue dramatique permettant d’habiter d’autres voix, et par ces biais là, se réapproprient le territoire de la domesticité, et les discours masculins dans les domaines de la science et du politique et affirment ainsi leur relation privilégiée avec l’intime.
Ainsi ce projet de recherche autour des joutes poétiques féminines dans le monde arabe, permet de mettre en lumière une facette méconnue d’une société en pleine mutation, et d’explorer la complexité d’un mode d’expression, qui n’est pas sans rappeler sous certains aspects en France, les joutes poétiques des troubadours et plus récemment le slam.
Conception et mise en scène : Francine Vidal
Avec : Vincent Audat, Farid Chebout, Claire Harisson Bullet, Laurent Provots
Production :
Dans le cadre du projet TCHATCHE 2013, sur l’initiative de Lieux publics, Centre National de Création, Marseille
Artiste associée : Francine Vidal
Production déléguée : Lieux publics, Centre national de création
Coproduction : L’Abattoir, Centre national des arts de la rue, Chalon-sur-Saône
L’artiste est lauréate 2009 du programme Villa Médicis Hors les Murs de CULTURES FRANCE